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Discours de Paul Magnette lors du 200è Congrès du Parti Socialiste

Revivez le discours de Paul Magnette lors du 200è Congrès du Parti Socialiste ce 25 septembre 2022 à l'ULB

Revivez le discours de Paul Magnette lors du 200è Congrès du Parti Socialiste ce 25 septembre 2022 à l'ULB

Merci chers amis, chers camarades, pour votre accueil si chaleureux.

Merci aux équipes pour l’énorme travail de préparation, c’est un grand chantier l’organisation d’un Congrès, j’en vois beaucoup qui sont sur les genoux !

Merci à nos orateurs du jour pour leurs puissants messages, merci Estelle, Jean-Pascal, Noémie, Thierry et Sarah.

Bedankt ook aan onze goeie vrienden van Vooruit. Van Willy, Willy Claes, de laatste covoorzitter van de unitaire Parti socialiste belge – Belgische socialistische partij, tot Conner. Conner Rousseau. Tu avais dit il y a quelques mois « beaucoup de gens sont socialistes, mais ils ne le savent pas encore », et grâce à toi ils sont en train de le découvrir. C’est un plaisir et un honneur de recevoir ce matin l’homme politique le plus populaire de Flandre !
Et puis merci, bien sûr, à vous toutes et tous, militantes et militants pour votre formidable mobilisation ! Cela fait un bien fou de vous revoir si nombreux, si enthousiastes.

Nous sommes donc réunis pour notre 200e Congrès. Un chiffre rond c’est toujours un peu magique, ça nous amène à jeter un regard en arrière, à repenser à notre histoire, à nous souvenir des combats de celles et ceux qui nous ont précédés, à qui nous devons nos droits et libertés.
Nous avons besoin, en politique comme dans la vie, de moments comme ceux-ci. Des moments pour se poser, prendre un peu de distance par rapport au flux continu des évènements, aux petites phrases assassines et aux tweets rageurs.

Le petit film que nous avons vu tout à l’heure nous l’a rappelé. Chaque génération de militants socialistes poursuit la longue marche vers l’émancipation entamée par nos anciens. En plus de 135 ans d’histoire, sept générations se sont succédé, et ont fait ce que nous sommes.
La première génération était celle des fondateurs. Ces travailleurs accablés par le labeur, réprimés par l’Etat bourgeois, ont trouvé le courage de se dresser contre la fatalité ; de dire, comme dans notre chant, « nous ne sommes rien, soyons tout ».
Ils ont créé les premières maisons du peuple, les premières coopératives, les premières organisations syndicales. Ils se sont organisés pour défendre leurs droits, et ont commencé à bâtir, dans l’enfer du capitalisme sauvage, des oasis de liberté et de solidarité.
La deuxième génération fut celle du suffrage universel. A travers de grandes grèves, dont on a parlé dans toute l’Europe, les mineurs, les métallos, les cheminots et les dockers et tous les autres ont conquis, au profit du peuple dans son ensemble, le droit de choisir enfin ceux qui parleraient en leur nom.
Grâce aux libertés syndicales et au suffrage universel, la troisième génération a arraché les premières grandes lois sociales. La journée des huit heures, la pension pour tous, la protection contre le chômage et la maladie, le logement social, les bibliothèques, les transports publics, l’indexation automatique des salaires et les congés payés. Tout cela nous le leur devons.
La quatrième génération a bâti notre cathédrale, la Sécurité sociale. Sur les fondations posées par leurs prédécesseurs, les militantes et militants de l’après-guerre ont construit les protections essentielles contre les aléas de l’existence dont nous bénéficions toujours. Ce faisant, ils ont donné un patrimoine à ceux qui n’en avaient pas, un patrimoine qui est d’autant plus beau qu’il est partagé et construit dans la fraternité.
Les cinquième et sixième générations ont continué à faire prospérer le travail de leurs parents et grands-parents. Ils ont bâti les régions, pour que chacune puisse se donner son propre projet. Ils ont renforcé sans relâche les droits des femmes, celui notamment de disposer librement de leur corps.

Ils ont pourchassé toutes les formes d’inégalités, et défendu tous ceux qui subissent les brimades et les discriminations. Ils ont continué d’étendre la Sécurité sociale, de protéger les travailleurs, avec et sans emploi, contre la maladie, la pauvreté, le handicap. Ils ont réduit le temps de travail pour que chacun ait du temps pour soi.
Nous sommes la septième génération ! Nous militantes et militants socialistes, de tout âge et de toute origine, nous sommes les détenteurs de ce magnifique héritage. C’est à la fois une source d’inspiration au quotidien, et une immense responsabilité. Nous avons le devoir de protéger et de faire fructifier le fabuleux trésor de droits et de libertés, la solidarité organisée, que nous ont transmis nos parents et grands-parents.
C’est pour cela que nous sommes militants. Parce que nous avons conscience de ce que nous devons à ceux qui nous ont précédés, et parce que nous savons que la meilleure manière de leur rendre hommage, c’est de poursuivre le combat, pour nos enfants, pour tous ceux qui nous suivront.
L’histoire de ces luttes collectives nous rappelle que ne nous a jamais été donné. Tout ce que nous avons conquis, la démocratie, l’école, la laïcité, la Sécurité sociale, les services publics, les droits et libertés, tout a été arraché de haute lutte, par des militants qui n’avaient confiance que dans leurs propres forces.
L’histoire de ces luttes nous rappelle aussi que c’est ensemble que l’on gagne. Les militants d’après- guerre, dans les syndicats, les mutuelles, au parti, dans les coopératives et les associations, le savaient spontanément, et pour conjuguer leurs forces ils ont bâti l’Action commune. Cette Action commune, dans la diversité de ses composantes, c’est aujourd’hui encore la grande maison du peuple, et nous y sommes plus attachés que jamais.
Merci encore, Estelle, Jean-Pascal, Noémie, Thierry et Sarah, de rappeler que nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes combats. Le socialisme ne peut l’emporter que si nous nous battons partout, dans les usines et les bureaux, dans la rue, dans les parlements et les gouvernements.
Il ne peut triompher que si nous nous battons ici, chez nous, et sommes aussi solidaires de tous les peuples qui, aux quatre coins du monde, luttent pour leur liberté et leurs droits.

Il ne peut contrer la marche folle du profit que si nous combattons toutes les formes d’inégalités, qu’elles frappent les travailleurs, avec ou sans emploi, les femmes ou les personnes stigmatisées pour leur origine ou leurs choix de vie.
Le socialisme c’est aussi prendre la défense de nos frères quand ils sont attaqués. Et je veux le dire à nos camarades syndicalistes avec force et solennité : vous pouvez compter sur nous, chaque fois que les libertés syndicales seront menacées, nous serons à vos côtés pour les défendre, avec force et obstination !
C’est cela l’histoire du socialisme. Combiner, en permanence, la résistance et les conquêtes. Il faut résister, parce que les privilégiés tenteront toujours de défaire ce que nous avons construit. Vous le voyez aujourd’hui comme hier, il n’y a pas un jour où la droite n’attaque l’indexation des salaires, les syndicats ou les mutualités. Il n’y a pas un jour sans que la droite ne cherche à remettre en cause tout ce qui, dans notre démocratie sociale, renforce les solidarités.
Et en cette rentrée, ils ont fait fort. Le patronat n’a pas seulement demandé, pour la quinzième fois, que l’on remette en cause l’indexation des salaires. Ils ont eu l’audace d’exiger, en plus, que l’on sabre dans les budgets qui protègent les plus vulnérables. En pleine crise sociale, le patronat propose d’économiser des centaines de millions d’euros sur le dos des plus pauvres. Ce n’est pas seulement dégoûtant d’un point de vue politique, c’est moralement répugnant.
Mais que les patrons sachent que tant que les socialistes seront aux responsabilités, on ne touchera pas à un cheveu de l’index et de l’enveloppe bien-être. C’est nous qui avons créé ces mécanismes essentiels de solidarité, et nous les défendrons, jusqu’à notre dernier souffle !
La résistance, c’est une part essentielle de notre combat, mais elle ne l’épuise pas. « Sans nous c’est pire », c’est vrai, on l’a vu sous Martens-Gol, et on l’a vu sous le gouvernement MR-NVA. Dès que les socialistes sont renvoyés dans l’opposition, la grande machine de la régression sociale se met en marche et écrase tout sur son passage, les travailleurs, les pensionnés, les femmes, les étudiants, les malades. En quelques années, des solidarités que nous avons mis des décennies à construire sont durement frappées.

Mais il ne suffit pas de rappeler ce qui se passe quand nous ne sommes pas là, il faut aussi que nous démontrions tous les jours qu’avec nous c’est mieux. C’est tout le sens du travail de nos camarades, partout où ils exercent des responsabilités. Nos deux mille élus locaux, notre soixantaine de parlementaires, nos douze ministres et les centaines de collaborateurs qui les épaulent au quotidien, avec un engagement exemplaire, tous arrachent, jour après jour, des avancées pour nos concitoyens.
Il y en a qui parlent beaucoup, et parfois même très bien, il faut le reconnaître, et puis il y en a qui se battent, qui agissent, et qui font avancer la solidarité au quotidien.
Il y a trois ans, nos concitoyens nous ont renouvelé leur confiance, et ils ont fait des socialistes, en Wallonie et à Bruxelles, la première formation politique. Grâce à ce soutien populaire massif, nous avons marqué de notre empreinte les programmes des différents gouvernements, et nous faisons progresser la solidarité, jour après jour.
La pension à 1630 euros, c’est nous.
La préservation de l’index, c’est nous.
Le relèvement de plus de 20% de toutes les allocations sociales, au-delà de l’index, c’est nous.
La taxe sur la fortune, c’est nous.
Le refinancement massif des soins de santé, c’est nous
Les accords non-marchands, c’est encore nous.
Les embauches dans les services publics, à la Défense, à la Justice et à la police, c’est nous.
La hausse du salaire minimum, pour la première fois depuis plus de douze ans, c’est encore nous, avec nos camarades de la FGTB.
L’allongement du congé de paternité, c’est nous.

Le statut d’artiste et la protection des travailleurs de plateforme, c’est encore nous. La rénovation des logements sociaux, l’allocation loyer, c’est nous.
La rénovation des bâtiments scolaires et les repas gratuits dans les écoles, c’est nous. La gratuité progressive des transports en commun, c’est encore nous.
Tout cela, arraché en moins de trois ans, c’est nous, et nous seuls ! Nous devons en être fiers.
Ces conquêtes, nous devons les célébrer, et ne laisser personne s’approprier notre histoire, nos combats et nos victoires. Mais nous ne devons pas non plus nous reposer sur nos lauriers. Il ne faut jamais relâcher l’effort. A peine un combat achevé, il faut entamer le suivant. Et ne jamais perdre de vue l’horizon, l’idéal. « C’est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source », disait Jaurès.
Prendre le temps de réfléchir, de débattre, d’imaginer le monde plus juste et plus beau que nous voulons construire pour nos enfants, ce n’est pas un luxe ou un loisir, c’est une tâche essentielle du socialisme. Nous devons réfléchir à tout ce à quoi nous sommes attachés et que nous voulons préserver. Nous devons exprimer ce que nous désirons, pour que le monde soit, comme dit la chanson, « ce que nous le ferons, plein d’amour, de justice et de joie ».

Cette réflexion est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que nous vivons des temps de grande incertitude.
L’épidémie du Covid aura été pour notre génération un choc majeur. Nous pensions avoir vaincu la peste et le choléra, la grippe et la polio, grâce à la science et à la Sécurité sociale, au progrès dont nous sommes porteurs et qui nous anime, et nous découvrons qu’un virus peut, en quelques semaines, causer des millions de morts et paralyser le monde.
Les inondations en Wallonie, l’an dernier, nous ont elles aussi rappelé combien nous sommes vulnérables. Nous croyions nous être rendus maîtres et possesseurs de la nature, pouvoir la contrôler et la transformer pour notre bien-être, et elle nous a brutalement rappelé sa puissance. Quarante morts l’an dernier, c’est une tragédie. Des milliers d’agriculteurs frappés par la sécheresse cette année, c’est un drame social. Et nous n’oublions pas le vaste monde. Des milliers de morts et des millions de personnes déplacées au Pakistan ou en Somalie, et à chaque fois le même constat terrible : ce sont les plus vulnérables, et presque toujours les femmes, qui tombent les premiers.
Et comme si cela ne suffisait pas, nous sommes confrontés aujourd’hui à la plus grave crise énergétique des cinquante dernières années. Des menaces pèsent sur notre sécurité d’approvisionnement, les marchés sont devenus fous, les multinationales de l’énergie profitent des circonstances de guerre pour faire flamber les prix, et des centaines de milliers de famille craignent, cet hiver, de devoir choisir : manger, se soigner ou se chauffer. Qui aurait cru cela possible, au XXIe siècle, au cœur de l’Europe ?
Face à de telles crises, et face aux inquiétudes légitimes qu’elles génèrent, c’est d’abord vers nous, les socialistes, que les citoyens se tournent. Parce qu’ils savent que dans toutes les circonstances difficiles, nous avons été là pour les protéger.
La crise de l’énergie appelle des mesures fortes et immédiates, et ce sont à nouveau les socialistes, du nord et du sud, qui ont proposé des solutions, et obtenu des mesures pour aider les familles. En moins d’un an, nous avons déjà mobilisé plus de six milliards et demi pour aider tous ceux qui en ont besoin. En Wallonie et à Bruxelles, une famille sur quatre bénéficie du bouclier du tarif social. Grâce aux socialistes, la TVA a été baissée de 21 à 6%, et un tarif réduit sera bientôt octroyé aux travailleurs et à leur famille. Nous continuons par ailleurs à mener le combat pour bloquer les prix, pour récupérer les surprofits et les rendre aux citoyens.
Nous continuons aussi à nous battre pour les salaires, pour que tous les travailleurs jouissent plus largement du fruit de leur travail. Notre proposition est simple, très simple, je l’avais formulé lors du premier mai. Nous proposons de relever la taxation des plus hauts patrimoines pour augmenter les bas et moyens salaires. En relevant la contribution des 1 ou 2% les plus riches, on peut améliorer les salaires de plus de la moitié des travailleurs ! Pendant la crise du Covid, tout le monde a salué les métiers essentiels, ces travailleurs trop souvent oubliés grâce à qui nous pouvons nous nourrir, vivre en toute sécurité, dans des espaces publics bien entretenus. Or ces métiers, indispensables à la vie sociale, sont souvent les plus précaires et les moins bien payés. Il est temps de réparer cette injustice fondamentale, et de faire payer un peu plus les plus riches, pour permettre à ces centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs d’enfin vivre mieux !
Des crises nous en avons affronté beaucoup au cours de notre histoire. Chaque fois, nous avons apporté des réponses, et nous avons tiré les leçons des évènements. Le sacrifice de centaines de milliers de travailleurs lors de la Première Guerre mondiale nous a donné la force d’arracher le suffrage universel et les premières législations sociales. Après la grande dépression des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale, nous avons conquis la sécurité sociale. Après des années de résistance contre la régression sociale sous les gouvernements Martens-Gol nous avons porté le retour du cœur. Une fois de plus, nous devons repartir au combat. Le modèle capitaliste est un échec total, et il est urgent d’en changer.
Car quel est le point commun entre le covid, les changements climatiques et la crise de l’énergie ? Tous sont le résultat de la course effrénée vers le profit, de la marchandisation continue de la nature et des relations humaines. La crise énergétique en est le meilleur exemple. Le modèle libéral, imposé par la droite au temps où nous étions affaiblis et divisés, ce modèle libéral devrait être aujourd’hui en aveu de faillite.
Nous ne sommes pas sûrs d’avoir assez d’énergie cet hiver. Les prix explosent.
Les investissements sont à l’arrêt, et certains pays sont obligés de relancer de vieilles centrales au charbon.
C’est un échec total, écologique, social et même économique. Il faut en tirer les leçons, et confier à la puissance publique le contrôle de ce bien essentiel qu’est l’énergie. Nous avons commencé à le faire. Dans les régions et les communes où les socialistes exercent des responsabilités, nous investissons massivement, dans les économies d’énergie, les énergies renouvelables et la modernisation des réseaux de transport et de distribution. Au fédéral, à l’initiative des socialistes, depuis douze ans, on taxe la rente nucléaire, et on impose des tarifs régulés pour les plus vulnérables et pour les classes moyennes. Il faut aller plus loin encore, prendre le contrôle du nucléaire ; mettre en place de véritables régies publiques d’isolation des logements et des bâtiments ; multiplier toutes les initiatives collectives de production d’énergies renouvelables, dans les communes, dans les sociétés de logement ou sous formes de coopératives. Le marché est un échec total, il est temps d’essayer autre chose, et autre chose cela signifie une vraie action publique.
Il n’y aura pas de plus grande bataille, les prochaines années, que la bataille de l’énergie, et nous serons, nous les socialistes, au premier rang. Après-guerre, il a fallu mener la bataille du charbon, pour reconstruire le pays, loger, soigner et nourrir tout le monde. Aujourd’hui il faut mener la bataille de la sobriété et de la souveraineté énergétiques pour permettre à chacun de mener une vie digne et heureuse, pour sauver notre climat et pour se libérer des tyrans comme Poutine. Nous étions au premier rang hier, nous le sommes aujourd’hui et nous le serons demain.
Trop longtemps, nous avons été sur la défensive. Le fond de l’air était à droite, nous devions sans cesse nous justifier, nous passions le plus clair de notre temps à protéger ce que nous avions construit, les services publics et la sécurité sociale, les droits et les libertés, contre les agressions perpétuelle de la droite.
Ce temps-là est terminé. L’épidémie de covid a rappelé à ceux qui en doutaient que la santé publique est notre patrimoine collectif le plus précieux. Face aux crises climatiques et énergétiques, seule une action publique forte, coordonnée et de long terme, seule une véritable planification écologique et sociale, est à même de prévenir les désastres et d’atteindre l’indispensable neutralité carbone en l’espace d’une génération.
Il est fini le temps où les socialistes devaient presque s’excuser d’être ce qu’ils sont. Face à l’échec total du modèle libéral, ce sont NOS valeurs de solidarité, NOS méthodes d’action collective qui ont fait la preuve de leur efficacité. Soyons fiers de ce que nous sommes, revendiquons notre identité, et imposons notre marque partout où nous agissons.

Mais, chers amis, chers camarades, gardons-nous d’une dangereuse tentation, celle de croire qu’en politique il y a des effets de balancier. Ce n’est pas parce que la droite est en échec, que les citoyens vont naturellement se tourner vers nous. L’histoire hélas enseigne que les choses ne sont pas si simples. Nous vivons l’un de ces moments où le vieux monde se meurt, et où le nouveau tarde à apparaître. Et comme nous l’a enseigné Antonio Gramsci, de ces moments peut naître le meilleur, mais c’est aussi dans ces temps clair-obscur que peuvent surgir les monstres.
Nous avons vu Trump aux Etats-Unis. Le pire du pire : le démantèlement des politiques sociales ; le soutien aux multinationales du pétrole et aux millionnaires des murs contre les migrants, les attaques systématiques contre les droits et libertés, ceux des femmes en particulier ; le racisme banalisé ; la négation des règles démocratiques. L’enfer sur terre. Et même si les électeurs américains l’ont renvoyé dans l’opposition, rien ne dit qu’il ne pourrait pas revenir. Entre-temps il fait des émules, on le voit au Brésil, où Bolsonaro l’imite en tout point, et sacrifie le bien mondial de l’Amazonie au profit de quelques multinationales.
L’Europe n’est pas épargnée. Longtemps nous avons cru que la tragédie fasciste nous avait immunisés contre ces dérives. Mais on voit en Hongrie et en Pologne, les mêmes agressions systématiques contre les droits et libertés, et la stigmatisation des plus faibles. Au Royaume-Uni, une première ministre ultra-conservatrice se présente comme une émule de Donald Trump. On voit en France l’extrême-droite au second tour des présidentielles ; en Suède il y a quelques jours l’extrême-droite devenir le deuxième parti ; et peut-être en Italie, ce soir, verrons-nous la victoire d’un parti néofasciste. Sans oublier, chez nous, en Belgique, l’un des pires partis d’extrême-droite qui caracole en tête des sondages dans le Nord du pays depuis des mois et des mois.
Le pire n’est jamais sûr. Mais soyons lucides, on n’a plus vu de contexte politique aussi sombre en Europe depuis plus de trois générations. Nous devons être de la plus grande vigilance. Quand Giacomo Matteoti, le dirigeant socialiste italien, mettait en garde contre le risque de la dictature fasciste, on lui riait au nez. Mais les fascistes avaient compris qu’il était le principal obstacle à leur pouvoir et ils l’ont lâchement assassiné. Quand Salvador Allende dénonçait la possibilité d’un coup d’état militaire, soutenu par les puissances impérialistes, on ne le prenait pas au sérieux, mais il fut lui aussi assassiné.

Nous célébrerons les cinquante ans de l’assassinat d’Allende l’an prochain et les cent ans de l’assassinat de Matteoti l’année suivante, parce qu’il faut honorer le combat des socialistes pour la liberté, et parce qu’il ne faut jamais oublier que la bête immonde peut toujours ressurgir du néant. Nous socialistes, nous devons reprendre le combat contre le fascisme, dénoncer toutes les dérives et toutes les attaques contre les libertés publiques, et réaffirmer l’absolue nécessité d’un cordon sanitaire contre l’extrême-droite.
Le danger le plus sournois, c’est la banalisation de ces idées nauséabondes. Même quand l’extrême- droite est tenue à la lisière de l’arène politique, comme c’est heureusement le cas en Wallonie et à Bruxelles, le risque de dérive n’est jamais loin.
Voyez autour de nous. A droite, on voit reparaître la vieille stratégie qui consiste à diviser les travailleurs, pour protéger les plus riches. Cette rhétorique est vieille comme le monde, mais elle resurgit à chaque crise. En répétant qu’on paie trop d’impôts, qu’il y a trop de fonctionnaires, que les services publics coûtent trop chers, les conservateurs préparent le terrain pour une nouvelle vague d’austérité. En accusant les chômeurs de paresse, en qualifiant les plus vulnérables d’assistés, qui vivent au crochet de la sécu, en présentant les pensions comme un coût, trop élevé, ils cherchent à détourner l’attention pour protéger les plus riches. Ils savent que quand les travailleurs se divisent, quand ceux qui ont un travail en viennent à penser que leurs difficultés viennent de ceux qui n’en ont pas, les riches sont à l’abri !
Même à gauche on voit parfois s’installer ces sinistres raisonnements. En France, des communistes aux abois opposent la gauche du travail et la gauche des allocs. C’est une faute. L’histoire le montre : chaque fois que la gauche court derrière l’extrême-droite, elle la renforce. Nous devons dénoncer ces dérives, d’où qu’elles viennent. Nous devons rappeler que la solidarité que nous avons construite est universelle. Elle nous protège tous parce que personne n’est à l’abri des coups du sort.
Et bien sûr nous croyons dans l’émancipation par le travail. Personne n’y croit plus que nous. C’est toute notre histoire !
Combien de mineurs se sont tués au travail pour faire venir leur femme et leurs enfants auprès d’eux et leur offrir un toit ?

Combien d’ouvriers ont supporté les cadences infernales pour que leurs filles et leur fils puissent aller à l’école et connaître une vie meilleure que la leur.
Combien de mères de famille, aujourd’hui, se brisent le dos en nettoyant les bureaux à l’aube pour que leurs enfants puissent faire les études dont elles rêvaient mais auxquelles elles n’ont pas eu accès.
Le travail, aujourd’hui, comme hier, c’est donner le meilleur de soi-même, c’est éprouver la fierté de la tâche accomplie, c’est se construire des liens sociaux et des droits. Nous socialistes, par notre histoire et nos combats actuels, nous le savons mieux que personne. Et cette droite arrogante toujours prompte à défendre les rentiers est la plus mal placée du monde pour nous faire la leçon.
Ce n’est pas en opposant les travailleurs aux travailleurs que l’on va améliorer leur sort. Nous nous battons contre la pauvreté, et contre les inégalités. Il faut dénoncer les faux-semblants de la droite. Si les travailleurs ne jouissent pas assez des fruits de leur travail, ce n’est pas à cause des chômeurs, des malades ou des pensionnés, c’est à cause des patrons qui ne les paient pas assez. L’an dernier, les entreprises du Bel 20 ont fait 20 milliards de bénéfices et distribué 10 milliards de dividendes. Il y en a de la marge pour mieux récompenser le travail ! Ne tombons pas dans le piège, rappelons que nous nous battons pour tous ceux qui vivent du seul fruit de leur travail. C’est cela le combat des socialistes, depuis plus de cent trente-cinq ans, c’est cela que les citoyens attendent de nous, c’est ce que nous faisons, et ce que nous ferons !

Camarades, chers amis, l’année qui commence sera cruciale. Nous avons encore mille combats à mener, partout où nous exerçons des responsabilités. Et dans le même temps, nous devons prendre le temps de la réflexion. Tout au long de l’année, jusqu’à la rentrée prochaine, nous allons multiplier les rencontres et les débats, les colloques, conférences et ateliers. Nous allons écouter toutes celles et ceux qui, comme nous, pensent qu’il faut hâter la chute du vieux monde, et l’avènement du nouveau.

Nous tiendrons notamment, au printemps, un congrès sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et à l’automne un congrès de la jeunesse. Parce que nous avons toujours été pionniers dans ces combats, et que nous devons rester à la pointe des luttes féministes, et continuer de porter les rêves de la jeunesse.
Je compte sur vous, élus et militants, pour vous impliquer dans ce vaste exercice de réflexion collective. Réunissez-vous, discutez, lisez, réfléchissez, soyez à l’écoute de toutes les souffrances et de tous les espoirs. Soyez les militants que vous avez toujours été, chaleureux, généreux, fiers et combatifs ! Ensemble, nous devons dessiner le socialisme du XXIe siècle. Ensemble, nous devons mettre en garde contre les dangers de l’extrême-droite, et convaincre que les recettes de la droite ne servent que les intérêts d’une toute petite minorité.
Nous ne partons pas d’une page blanche. Notre histoire, les combats de nos prédécesseurs, nous indiquent le chemin.
Il faut approfondir la démocratie, arrachée il y a plus d’un siècle. Donner toujours plus la parole aux citoyens et aux collectifs. Faire reculer toutes les formes de domination, masculine, coloniale, intégriste ou raciste. Il faut poursuivre la longue bataille que nous menons depuis toujours pour que chacun puisse mener sa vie comme il l’entend.
Il faut aussi protéger et réparer la planète, que nous avons tellement abîmée. Et pour cela aussi, faire le choix du collectif. Ce n’est pas en punissant, en interdisant, en taxant que l’on va convaincre les citoyens de s’engager dans l’indispensable transition climatique. C’est en attaquant les vrais responsables, les multinationales et les millionnaires qui polluent sans entrave. C’est en investissant dans tout ce qui est indispensable pour mener la vie large : des logements bien isolés, un environnement de qualité, une alimentation naturelle, des transports publics accessibles à tous. C’est cela l’écosocialisme. Ce que nos anciens ont bâti hier reste, aujourd’hui, la réponse la plus juste et la plus efficace face aux dérèglements climatiques.
Il faut aussi penser un nouveau pacte social. Améliorer sans cesse les protections, et les rendre toujours plus universelles.
Etendre les droits des plus jeunes, qu’ils soient étudiants, stagiaires ou travailleurs, parce qu’ils sont les moins bien protégés, et les plus exploités.

Il faut imposer des règles aux nouvelles formes du travail et mieux répartir le travail disponible. Travailler moins pour travailler tous, et pour vivre mieux.
Et il faut supprimer, comme nous venons de le faire pour les personnes porteuses de handicap, l’odieux statut de cohabitant.
Il faut rendre à la sécurité socialiste son caractère universel. La sécurité sociale ce n’est pas un « filet de sécurité » pour ceux qui n’ont pas les moyens de se protéger eux-mêmes, comme le prétend la droite. C’est le patrimoine de tous, ce sont les droits et les solidarités qui tirent l’ensemble de la société vers une vie meilleure.

Chers amis, chers camarades, ce ne sera pas simple. Mais rien n’a jamais été simple dans notre histoire. Et loin de nous décourager, l’ampleur de la tâche nous a toujours donné plus de force.
Partout, autour de nous, nous voyons des hommes et des femmes qui souffrent, et qui espèrent un monde meilleur. Nous voyons des femmes et des hommes qui incarnent déjà, tous les jours, les valeurs de fraternité et de solidarité.
Les travailleurs des services publics et non-marchands qui prennent soin des autres. Les travailleurs de l’économie sociale et solidaire qui luttent contre le gaspillage et le saccage du vivant. Les syndicalistes et les militants associatifs qui se battent pour les droits des plus fragiles. Les artistes qui dessinent le monde souhaitable de demain, et cultivent notre sensibilité à la beauté du monde. Les centaines de milliers de bénévoles qui donnent de leur temps pour aider les enfants à apprendre, ou qui soutiennent les personnes abîmées par la vie, pour leur rendre la confiance et l’envie de se battre. Ils sont la preuve vivante que plus est en l’homme, et qu’un monde meilleur est possible.
Aucun d’entre nous, c’est vrai, n’est immunisé contre l’agressivité, l’égoïsme et le rejet de l’autre. Mais en nous il y a beaucoup plus. Il y a aussi le sens inné de l’entraide et de la solidarité, l’instinct de rébellion contre toutes les formes d’injustice, la générosité et le respect.

C’est cela le socialisme, c’était cela au commencement, c’est toujours cela aujourd’hui : parler à ce qu’il y a de plus beau dans l’âme humaine, cultiver chaque jour les valeurs de justice et de solidarité que nous sentons instinctivement vibrer dans notre cœur et dans nos tripes.
Et quand ces idées-là se diffusent, quand elles infusent toute la société, elles sont d’une puissance infinie.
Nous socialistes n’avons jamais eu les privilèges de la naissance, ni la puissance de l’argent. Mais nous avons pour nous les idées les plus belles et les plus généreuses. Nous avons pour nous la force du nombre et le désir intense d’une vie juste et apaisée.
Nos combats sont solides, parce qu’ils se fondent sur plus de cent trente-cinq ans de luttes et de victoires, sur le courage et l’héroïsme de sept générations de militantes et de militants.
Tout le monde veut changer le monde. Nous, nous l’avons déjà fait, et nous le referons. Merci, chers amis, chers camarades, pour votre engagement, demain comme hier.
Merci pour tout ce que vous avez apporté à notre grand mouvement collectif, et tout ce que vous apporterez encore.
Merci pour votre présence ce matin, à très bientôt, pour de nouveaux combats.

Et vive le socialisme !

Paul Magnette
Bruxelles, le 25 septembre 2022

 

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